Cette photo de Ken Meeks , prise par le photographe Alon Reininger en 1986, a bouleversé l’opinion publique internationale, car elle a donné un visage à une maladie alors infamante: le sida, identifiée officiellement en 1981 (voir la vidéo ci-dessous).
On sait aujourd’hui que le virus du VIH est « sorti du bois » au XIXème siècle, en raison de la déforestation, provoquée par les colons européens en Afrique. Le sida est donc une « maladie infectieuse émergente« , qui a les mêmes origines anthropiques que toutes celles décrites dans La fabrique des pandémies. Il a fallu plus d’un siècle pour que le virus s’adapte et mute, avant de devenir pandémique. Voici ce qu’a écrit Serge Morand (CNRS) dans l’ouvrage, où il a rédigé les encadrés.
Le sida, une maladie liée à la déforestation et à l’expansion coloniale
Le sida est une maladie causée par les virus VIH-1 et VIH-2 originaires de primates non humains d’Afrique et qui ont émergé chez les humains au début du xxe siècle. Le VIH-1 provient du sud du Cameroun à partir d’un virus d’immunodéficience simienne (SIV) des chimpanzés. Le VIH-2 provient d’Afrique de l’Ouest à partir d’un autre virus d’immunodéficience simienne hébergé chez le singe vert. Les études génétiques du virus suggèrent que l’ancêtre commun le plus récent du groupe VIH-1 remonte à environ 1910. L’analyse d’échantillons de sang conservés depuis 1959 montre que le VIH circulait à Kinshasa depuis plusieurs décennies.
Les passages répétés des virus de primates aux humains sont associés aux activités de chasseurs et de vendeurs de viande de brousse. Mais, la véritable émergence est liée à l’expansion coloniale débutée au xixe siècle. Les demandes en ivoire, en bois puis en caoutchouc avec une déforestation importante, couplées au travail forcé des villageois pour les plantations et la construction des chemins de fer ont transformé les écosystèmes et les sociétés traditionnelles facilitant la propagation des nouveaux virus. On pense que la mise en place de la vaccination avec aiguilles réutilisables a amplifié la propagation, de même que le développement de la prostitution dans les villes coloniales. Le VIH aurait atteint Haïti et les États-Unis dans les années 1960, avant que le syndrome d’immunodéficience attire l’attention au début des années 1980.