Les 100 Photos du siècle: la dernière photo d’Allende, 18/100

 

Le 11 septembre 1973, il y a tout juste cinquante ans, le Chili plongeait dans l’enfer de la dictature. Ce jour-là, le général Pinochet renversait par un coup d’État le gouvernement du socialiste Salvador Allende, que Richard Nixon avait élégamment qualifié de « fils de pute ». Le 37ème président des Etats-Unis, qui avait fomenté le coup d’État chilien avec l’appui de la CIA, sera contraint de démissionner moins d’un an plus tard, à la suite du Watergate…

Dans ma série Les 100 photos du siècle, j’ai consacré une vidéo à la dernière photo du président Allende, prise dans le Palais de La Moneda, au moment où l’aviation bombardait ce symbole de la démocratie chilienne. Peu de temps après, Salvador Allende se suicidait en se tirant une balle dans la tête.
En 1998, l’auteur de ce cliché était toujours inconnu. Mais aujourd’hui, grâce au travail d’un journaliste chilien Hermes Benitez et de Robert Pledge directeur de l’agence de photos Contact qui vient de publier un livre Septembre au Chili, 1971-1973, on sait qu’il s’agit de Leopoldo Victor Vargas, un sous-officier de l’armée de l’air, photographe auprès de la présidence de la République de 1964 à 1973. Après son décès en 2011, ses enfants ont rompu le silence, conformément à la volonté de leur père. Robert Pledge a vu les tirages jaunis des six photos prises ce jour funeste par Leopoldo Vargas lors d’une rencontre avec l’un de ses fils à New York.

Le 11 septembre 1973, j’avais 13 ans. Je me souviens de l’émotion qui m’avait subjuguée, quand mon professeur d’histoire nous avait montré les photos du stade de Santiago du Chili, où étaient entassés, torturés, exécutés des centaines de sympathisants de l’Unité populaire. Parmi eux Victor Jara, un chanteur et poète, dont j’écoutais les chansons, comme « Te recuerdo Amanda », qui continue de m’émouvoir. Le 28 août dernier, la Cour suprême du Chili a confirmé les peines d’emprisonnement contre sept militaires (âgés aujourd’hui de plus de 80 ans) qui ont participé à l’enlèvement et à l’assassinat de l’artiste, après lui avoir fracassé ses doigts de guitariste. Ces « hijos de puta » avaient tout compris : les chansons finissent toujours par triompher de la barbarie…

 Voici donc la vidéo que j’ai consacrée à la dernière photo du président Allende.

Les 100 photos du siècle: Les camps de la mort, 17/100

 

Aujourd’hui Sonia de Villers recevait sur France Inter l’historien Tal Bruttmann, l’un des auteurs de « Un album d’Auschwitz, comment les nazis ont photographié leurs crimes« . Ce livre essentiel pour la mémoire collective est constitué de clichés pris par les nazis pour prouver l’exécution de la « solution finale », c’est-à-dire l’extermination méthodique des Juifs d’Europe, décidée par Hitler et conduite par Himmler.

Dans Les 100 photos du siècle, j’avais raconté l’histoire d’une photo prise le 12 avril 1945, le  jour de la libération du camp d’extermination de Buchenwald, par un soldat américain, Henry Miller, qui n’a jamais été retrouvé. On y voit le Prix Nobel Elie Wiesel,  allongé avec ses camarades décharnés dans un baraquement, qui fixe l’objectif du photographe amateur. C’est le général Eisenhower qui avait demandé à ses troupes de prendre des photos de l’horreur qu’il découvrait, car il craignait que sans preuves le monde ait du mal à croire l’ampleur des crimes perpétrés par le régime nazi.

Les 100 photos du siècle: L’enfant du ghetto, 16/100

 

Il y a tout juste 80 ans, le soulèvement du ghetto de Varsovie était écrasé par les nazis. La grande majorité des 400 000 habitants qui avaient été enfermés, dans des conditions atroces, n’a pas survécu: plus de 100 000 sont morts de faim ou de maladies; les autres ont été exterminés dans les chambres à gaz de Treblinka. La photo de « L’enfant du ghetto » est devenue un symbole de l’une des plus grandes barbaries qu’a connues l’humanité…

Les 100 photos du siècle: Le brasier israélo-palestinien, 13-14-15/100

 

 

La spirale de répression et de violence s’accélère en Israël et dans les territoires occupés palestiniens, encouragée par les déclarations va-t-en-guerre du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël.  Empêtré dans des affaires de corruption qui auraient dû définitivement l’écarter du pouvoir, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyaou a passé un pacte dangereux avec l’extrême droite et les religieux ultra-orthodoxes, pour revenir au pouvoir. Il avait largement contribué à enterrer les accords d’Oslo, célébrés il y a tout juste trente ans à Washington. A l’époque, tous ceux et celles, qui, comme moi, espéraient qu’un Etat juif et un Etat palestinien pouvaient coexister, – en accord avec le plan de partage de la Palestine, entériné par l’ONU en 1947- , avaient salué cet accord, signé sous l’égide des Etats-Unis. Deux ans plus tard, Yitzhak Rabin était assassiné par un militant d’extrême droite, tandis que Arafat mourait dans des conditions jamais vraiment élucidées en 2004. Aujourd’hui la photo de Barbara Kinney apparaît complètement surréaliste, tant les extrêmistes des deux bords – israélien et palestinien- n’ont de cesse d’attiser le brasier…

Après l’occupation de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie par Israël en 1976, des centaines de milliers de Palestiniens s’étaient réfugiés notamment au Liban. En 1976, cette photo de  Françoise Demulder avait ému la communauté internationale.  La photographe de guerre française, première lauréate féminine du World Press Photo, avait accompagné les milices chrétiennes de Beyrouth, au moment où elles  rasaient le quartier palestinien de La Quarantaine. Saluons le courage de cette femme exceptionnelle, décédée en 2008, qui a pris des risques énormes pour témoigner du drame palestinien.

 

Dans la série « Les 100 photos du siècle », je rendais aussi hommage à Reza, qui a saisi l’une des photos les plus emblématiques de Yasser Arafat, en 1983, dans un moment extrêmement périlleux. Pris au piège, le leader palestinien parviendra à gagner la Tunisie, où il s’installera jusqu’en 1994, avant son retour triomphal en Palestine. Mais depuis l’espoir d’un règlement du conflit israélo-palestinien qui a causé tant de souffrances semble plus que jamais compromis…

 

 

 

 

 

Les 100 photos du siècle: Guérilla au Nicaragua, 13/100

 

A un moment de ma vie, j’ai partagé avec Susan Meiselas, photographe à l’agence Magnum, une affection particulière, pour le Nicaragua, un petit pays d’Amérique centrale, qui avait réussi, en juillet 1979, à bouter hors du pays le dictateur sanguinaire et corrompu Anastasio Somoza. En 1936, son père avait fait assassiner Sandino, le héros indépendantiste, qui donnera son nom à la guérilla du FSLN (Frente Sandinista de Liberación Nacional), dirigée par un certain Daniel Ortega. Celui-ci avait croupi pendant sept ans dans les prisons de la dictature de la dynastie Somoza, que les Etats-Unis ont toujours soutenue, y compris militairement. L’histoire de la fin de la dictature  a été racontée dans le film Underfire (1983) de Roger Spottiswoode, dans lequel joue Trintignant.

La révolution sandiniste a soulevé beaucoup d’espoir, car elle voulait tracer une troisième voie, entre le libéralisme capitaliste et le communisme pro-soviétique, dont se réclamaient alors des pays comme Cuba ou le Vietnam. C’est ainsi, qu’à peine sortie de l’école de journalisme, je me suis envolée pour le Nicaragua, en juillet 1985, en intégrant une « brigade de solidarité »: ces groupes de volontaires étaient répartis dans des endroits stratégiques du pays, où ils passaient trois semaines, dans le but de dissuader la « contra »,-  les para-militaires antisandinistes, financés et armés par l’administration de Ronald Reagan-, de perpétuer leurs forfaits. Postés au Honduras, les contras faisaient des incursions au Nicaragua pour assassiner de préférence les instituteurs, les leaders communautaires ou les infirmiers, qui symbolisaient la révolution sandiniste. Ma brigade, constituée d’une dizaine d’intellectuels et de militants politiques français, s’est retrouvée à Sébaco, une petite ville située dans le Nord du pays, non loin de la frontière hondurienne, où nous étions censés participer à la construction d’une usine de conserves. J’écris « censés », parce qu’aucun de nous n’avait jamais travaillé sur un chantier!

Aujourd’hui, la situation du Nicaragua est dramatique. C’est de nouveau une dictature, dirigée par … Daniel Ortega. L’ancien chef du FSLN  a dirigé le pays de 1979 à 1990, date à laquelle son opposante Violetta Chamorro a gagné les élections, avec le soutien des Etats-Unis.  Ortega a repris le pouvoir en 2007, et il  ne l’a plus quitté depuis 27 ans, avec son épouse Rosario Murillo, vice-présidente.  Le couple infernal mène le pays d’une main de fer, en écrasant systématiquement toute forme d’opposition: persécution judiciaire, notamment contre les journalistes et les membres de l’Eglise, arrestations arbitraires (on compte 255 prisonniers politiques). Comme au temps de Somoza, des dizaines de milliers de Nicaraguayens ont pris la route de l’exil.

J’ai filmé cette vidéo en 1998, à un moment où Arnaldo Aleman, un homme d’affaires nicaraguayen, dont les parents étaient proches de Somoza, et dont la campagne avait été financée par les anticastristes cubains de Miami, était président du pays. Pendant son mandat, qui s’est terminé en 2002, il a amassé 250 millions de dollars, ce qui lui valut d’être classé en 2004  » parmi les 10 dirigeants les plus corrompus que la planète ait connu au cours des 20 dernières années », d’après l’ONG Transparency International…

 

 

Les 100 photos du siècle: la grande dépression, 12/100

 

Je suis allée voir l’exposition consacrée au travail remarquable de Alice Neel, au Musée Beaubourg. J’ai été très touchée par les oeuvres de cette grande artiste , méconnue (comme tant de femmes créatrices… ), qui savait peindre avec une puissance rare les corps des femmes et hommes abimés par la vie et le labeur.

Son engagement aux côtés des laissés-pour-compte de la machine capitaliste m’a fait penser aux photos de Dorothea Lange, auteure de « Migrant Mother », qui incarne à jamais le destin héroïque de toutes les mères du monde, accablées par la misère…

C’est donc la douzième vidéo des « 100 photos du siècle », diffusées par ARTE en 1998 et 1999, et accompagnées d’un livre éponyme (traduit en sept langues).

 

Les 100 photos du siècle: Sida: le fléau, 11/100

 

Cette photo de Ken Meeks , prise par le photographe Alon Reininger en 1986, a bouleversé l’opinion publique internationale, car elle a donné un visage à une maladie alors infamante: le sida, identifiée officiellement en 1981 (voir la vidéo ci-dessous).

On sait aujourd’hui que le virus du VIH est « sorti du bois » au XIXème siècle, en raison de la déforestation, provoquée par les colons européens en Afrique.  Le sida est donc une « maladie infectieuse émergente« , qui a les mêmes origines anthropiques  que toutes celles décrites dans  La fabrique des pandémies. Il a fallu plus d’un siècle pour que le virus s’adapte et mute, avant de devenir pandémique. Voici ce qu’a écrit Serge Morand (CNRS) dans l’ouvrage, où il a rédigé les encadrés.

Le sida, une maladie liée à la déforestation et à l’expansion coloniale

Le sida est une maladie causée par les virus VIH-1 et VIH-2 originaires de primates non humains d’Afrique et qui ont émergé chez les humains au début du xxe siècle. Le VIH-1 provient du sud du Cameroun à partir d’un virus d’immunodéficience simienne (SIV) des chimpanzés. Le VIH-2 provient d’Afrique de l’Ouest à partir d’un autre virus d’immunodéficience simienne hébergé chez le singe vert. Les études génétiques du virus suggèrent que l’ancêtre commun le plus récent du groupe VIH-1 remonte à environ 1910. L’analyse d’échantillons de sang conservés depuis 1959 montre que le VIH circulait à Kinshasa depuis plusieurs décennies.

Les passages répétés des virus de primates aux humains sont associés aux activités de chasseurs et de vendeurs de viande de brousse. Mais, la véritable émergence est liée à l’expansion coloniale débutée au xixe siècle. Les demandes en ivoire, en bois puis en caoutchouc avec une déforestation importante, couplées au travail forcé des villageois pour les plantations et la construction des chemins de fer ont transformé les écosystèmes et les sociétés traditionnelles facilitant la propagation des nouveaux virus. On pense que la mise en place de la vaccination avec aiguilles réutilisables a amplifié la propagation, de même que le développement de la prostitution dans les villes coloniales. Le VIH aurait atteint Haïti et les États-Unis dans les années 1960, avant que le syndrome d’immunodéficience attire l’attention au début des années 1980.

 

Les 100 photos du siècle: Place Tiananmen, 10/100

C’était il y a 33 ans. Il n’y avait pas le Covid mais déjà les Chinois.es, essentiellement des étudiant.es, se levaient contre le manque de liberté au pays de l’empire du milieu. Aujourd’hui encore on ne sait pas qui était l’homme en chemise blanche, un sac plastique à la main, qui a réussi à bloquer (temporairement) l’avancée des chars, sur la place « Tiananmen », laquelle porte mal son nom car en chinois celui-ci signifie « Place de la porte de la paix céleste »…

Les 100 photos du siècle: L’ayatollah Khomeiny, 9/100

 

Depuis la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre, la répression en Iran est féroce. L’avènement de la République islamique, en 1979,  avait été saluée comme une victoire du peuple iranien, qui vivait alors sous le joug du Chah d’Iran, un monarque corrompu et dictatorial, soutenu par les Etats-Unis. Réfugié en France, l’ayatollah Khomeiny a bien trompé son monde, comme le reconnaît Michel Setboun, l’auteur de cette photo, qui a fait le tour du monde.

Question: Si l’Iran n’avait pas de pétrole, est-ce que sa population aurait connu le même destin tragique, fait d’ingérences étrangères et d’autoritarisme laïc ou religieux?

Les 100 photos du siècle: Poings levés à Mexico, 8/100

 

 

Alors que débute la Coupe du Monde de foot scandaleuse au Quatar, j’ai eu envie de partager la vidéo que j’avais consacrée à Tommy Smith, l’un des meilleurs athlètes de tous les temps, qui avait décroché la médaille d’or du 200 m aux JO d’été de Mexico, en 1968. C’était le 17 octobre 1968, en pleine ségrégation raciale aux Etats-Unis. Au moment où résonne l’hymne national, Tommie Smith et John Carlos (3ème sur le podium) lèvent leur poing ganté sur la tribune, devant les caméras du monde entier. Cet acte courageux aura un impact fulgurant pour la cause des droits civiques. Il coûtera leur carrière aux deux athlètes afro-américains, ainsi qu’à l’Australien Peter Norman (médaille d’argent) qui par solidarité portait un badge de l’Olympic Project for Human Rights.

A l’époque, le président du CIO , Avery Brundage, avait ordonné l’expulsion de Smith et Carlos du village olympique, au motif qu’ « une protestation concernant la politique intérieure d’un pays n’a pas sa place au sein d’un évènement apolitique tels que le sont les Jeux olympiques« . 54 ans plus tard, ce sont à peu près les mêmes mots  qu’ont utilisés le président Macron et sa ministre des sports  pour couper court aux critiques concernant la coupe du monde au Quatar…

Alors que le dérèglement climatique s’emballe et que la 27ème COP sur le climat a tourné au fiasco, il est révoltant de constater l’aveuglement des politiques et des sportifs de haut niveau qui vivent complètement hors sol, comme les cochons des élevages intensifs