Sans surprise, je suis dans le « fichier de Monsanto« , comprenant 200 personnalités répertoriées par l’agence de lobbying Fleishmann-Hillard. Ma fiche comprend une appréciation laconique: « Strong opponent. Made le Monde selon Monsanto « . En d’autres termes: « indécrottable ».
Je félicite au passage l’excellent travail réalisé par mes confrères du Monde et de France 2 qui ont révélé ce nouveau « dirty trick » (coup tordu) de la multinationale américaine (aujourd’hui rachetée par Bayer). Il s’ajoute à une longue liste , dont je fais ici une brève synthèse (pour plus de détails consulter Le Monde selon Monsanto et Le Roundup face à ses juges« )
- Utilisation de « faux scientifiques » (faked scientists) pour lancer une campagne de dénigrement contre Ignacio Chapela, un chercheur de Berkeley.
- Utilisation d' »auteurs fantômes » (ghostwriting) pour publier des études bidons. La technique: des cadres de Monsanto produisent une étude biaisée, montrant, par exemple, que le glyphosate n’est pas cancérigène. Il demande à un scientifique de renom de la signer, contre rémunération occulte. Cela permet d’entretenir une fausse polémique scientifique, comme l’a fait pendant des décennies l’industrie du tabac. Parfois, ça ne marche pas: en 1999, Monsanto demande au britannique James Parry d’évaluer les études internes de la firme et les études publiées dans la littérature scientifique. Le spécialiste mondial de la génotoxicité conclut que le glyphosate est « clastogène » (c’est-à-dire qu’il affecte le matériel génétique). Colère de Monsanto qui regrette de l’avoir payé et s’empresse de mettre son rapport dans un tiroir.
- Utilisation de « paysans fantômes ». Récemment l’agence irlandaise red Flag Consulting a ouvert un site , baptisé « Agriculture et Liberté », avec la liste d’une centaine d’agriculteurs censés défendre l’usage du glyphosate. Greenpeace a révélé que le nom d’un grand nombre d’entre eux avait été usurpé.
- Utilisation de « faux journalistes« , comme l’obscur Science Media Center de Londres, qui a recours aux interviews d’ hommes de paille, comme Bruce Chassis, professeur émérite de l’Université de l’Illinois, pour discréditer le Pr. Gilles-Éric Séralini. Les « interviews » sont relayés dans des médias, comme Forbes ou des chaînes de télévision.
- Collusion avec les agences de réglementation, comme l’agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA). Les « Monsanto papers » ont révélé que Jess Rowland , qui dirigeait le processus de révision du glyphosate au sein de l’EPA, était en liaison constante avec Monsanto. En 2013, la toxicologue Marion Copley accuse ainsi son chef d’« intimider le personnel » afin de « modifier les rapports pour qu’ils soient favorables à l’industrie » et assure que « la recherche sur le glyphosate montre qu’il devrait être classé comme cancérigène probable pour les humains« .
- Manipulation (ou conspiration?) de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui n’hésite pas à faire un copié-collé d’un document remis par Monsanto, pour établir son « rapport », concluant que le glyphosate n’est pas cancérigène pour les humains. Ce rapport a servi à justifier la prolongation de l’autorisation de mise sur le marché de l’herbicide.
- Occultation de données internes dérangeantes. En 1983, une étude réalisée par BioDynamics, un laboratoire privé payé par Monsanto, montre que des souris exposées à du glyphosate développent un cancer des reins. L’EPA décide donc de classer la molécule comme « cancérigène possible » (Classe C). Monsanto demande à un « scientifique » de prouver que c’est faux. L’EPA finit par se déjuger, en passant le glyphosate en Classe E (non cancérigène). L’étude « disparaît » car Monsanto obtient qu’elle soit couverte par le « secret commercial« . Même choses pour une étude de 1981, montrant que des rats ont développé un cancer des testicules et de la thyroïde.
- Utilisation de « trolls », comme André Heitz, alias « Wackes Seppi » qui harcèlent les « opposants » sur des sites internet, en relayant de fausses informations ou des « arguments » fournis par Monsanto.
- Etc, etc,