Une fois n’est pas coutume. J’ai décidé de sortir de ma réserve viscérale, probablement due au métier de journaliste que j’exerce depuis trente-cinq ans. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises: nous sommes dans une situation d’urgence absolument sans précédent et nous ne nous en sortirons pas en gardant les vieux logiciels du XXème siècle. Si nous voulons éviter l’effondrement et permettre à nos enfants de vivre dignement sur notre planète, il nous faut revoir de fond en comble nos modes de pensée, de production, de consommation et tout simplement de vie. Il ne s’agit pas de petites transformations à la marge, mais bel et bien de lancer un vaste programme de transition écologique qui englobe tous les domaines: l’alimentation, l’énergie, les transports, l’habitat, les loisirs, l’éducation, l’argent. Impossible d’y arriver tout seuls avec nos petits bras. Nous avons besoin des politiques, et notamment au niveau européen. On peut certes déplorer – comme je n’ai cessé de le faire pour le glyphosate ou les perturbateurs endocriniens- que les institutions européennes soient gangrénées par les lobbyings, en privilégiant les intérêts privés (industries ou banques) plutôt que d’oeuvrer pour l’intérêt général. Mais, il est trop tard pour attendre une hypothétique révision des traités. Nous n’avons plus le temps! Il nous faut agir avec ce que nous avons, en visant à renverser la table de l’intérieur. Étant donnée l’ampleur des enjeux- dérèglement climatique, extinction de la biodiversité, explosion des inégalités- l’échelle européenne est la bonne: si nous ne portons pas le combat à ce niveau, nous ne parviendrons pas à enclencher et financer l’indispensable transition écologique, dans le peu de temps qui nous reste.
J’ai dit plusieurs fois mon écoeurement face à la multiplication des listes qui accordent une place centrale à l’écologie politique: Génération-s (Benoît Hamon), Place Publique (Raphaël Gluckmann ), La France insoumise (Manon Aubry), Urgence écologie (Dominique Bourg) et EELV (Yannick Jadot). Je le redis haut et fort: cette dispersion favorise les listes qui oeuvrent pour le statu quo. Elle jette aussi un doute sur les motivations profondes de ceux et celles qui portent ces listes: ont-ils vraiment compris l’urgence dans laquelle nous sommes? Roulent-ils vraiment pour l’écologie ou pour eux-mêmes? Encore une fois, pour relever les défis du XXIème siècle, il nous faut inventer de nouvelles manières de faire de la politique, en apprenant à travailler sur des convergences qui permettent de rassembler, afin que l’écologie politique cesse d’être une idée minoritaire pour devenir majoritaire. Ce qu’il nous faut c’est construire une « nouveau pacte national de la résistance », comme le propose le mouvement des « Jours heureux » (créé par des jeunes).
J’ai été sollicitée pour rejoindre au moins deux de ces listes, mais j’ai décliné la proposition, estimant que j’étais plus efficace avec mes films et livres. Je compte plusieurs ami(e)s dans chacune de ces listes, il n’était donc pas évident de les départager…
Finalement je me suis dit que j’allais voter pour EELV, car nous avons besoin d’un groupe Verts fort au parlement européen. Nous avons besoin d’un groupe d’élu(e)s qui sont des écologistes pur sucre, capables d’appliquer les lunettes de l’écologie sur TOUTES les questions traitées dans le cadre de l’Union européenne: le transport, l’énergie, l’habitat, l’agriculture, la culture, les migrants, la finance, etc. Pas à la marge, au gré des humeurs ou stratégies, mais SYSTÉMATIQUEMENT. Le groupe des Verts au Parlement européen existe et fonctionne bien. Je l’ai vu travailler et bosser sur les dossiers. Il faut qu’il grossisse pour qu’il puisse peser encore davantage.
Mais dès lundi, je reprendrai mon bâton de pèlerine pour encourager tous ceux et celles qui ont vraiment compris que notre « maison brûle » à travailler ensemble sur un programme politique commun, seul capable d’éteindre l’incendie. Et là je demanderai à mes ami(e)s d’EELV de faire preuve d’un peu de bienveillance: pour gagner, il faut accepter que les gens changent et que d’anciens « ennemis », comme les élus PS productivistes qui ont soutenu nombre de grands projets inutiles – comme l’aéroport de Notre Dame des Landes ou EuropaCity- deviennent des alliés. Le droit de changer est la condition sine qua non du succès…