Comment protéger les enfants des fausses allégations de pédophilie

« L’affaire d’Outreau », comme on dit pudiquement, a vingt ans. Ce soir, France 2 lance la diffusion d’une série documentaire, consacrée à  l’un des plus grands fiascos judiciaires français. De 2002 à 2008, j’ai réalisé trois documentaires et un livre sur ce que les experts appellent  » les fausses allégations de pédophilie ». Mon intérêt pour ce sujet à haut risque, car politiquement très incorrect, est né lors du tournage d’un 52′  (diffusé sur Envoyé spécial en 2000) dans un centre de soins psychiatrique de la MGEN (la mutuelle des enseignant.e.s), situé à La Verrière (Yvelines). Y sont pris en charge les instituteurs et professeurs qui « pètent un câble », en raison de leurs conditions de travail (harcèlement, violences, etc). J’y avais découvert que plusieurs patient.e.s récemment hospitalisé.e.s souffraient d’un syndrome post-traumatique, provoqué par une fausse allégation de pédophilie. Ces enseignants – c’était surtout des hommes- avaient certes été blanchis par la justice après des années de procédure, mais n’arrivaient pas à s’en remettre et étaient incapables de retourner dans une classe. Peu de temps après ce tournage, je participais à une réunion de parents d’élèves, organisée par l’école primaire, que fréquentaient mes trois petites filles. La direction nous avait annoncé qu’à la demande des instituteurs la classe verte annuelle serait supprimée, en raison des « risques » que comprenait ce genre d’initiative.

Je rappelle qu’à l’époque, après des décennies d’omerta y compris dans l’Education nationale, la pédophilie et les violences sexuelles contre les enfants étaient entrés en force dans le débat public, en raison notamment de l’affaire Dutroux (1996), qui avait tétanisé l’Europe. Un an plus tard, Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, avait publié une circulaire, baptisée « circulaire Royal », qui enjoignait à tous les chefs d’établissement de saisir directement le procureur , dès que leur était rapportée une suspicion de geste ou de parole prétendument  « déplacés ». Cette judiciarisation automatique du moindre ragot de cour de récréation eut bien sûr un effet désastreux, avec une avalanche de plaintes infondées , traitées dans le cadre d’une justice d’exception, dont les victimes sont les adultes injustement accusés et aussi les enfants. J’ai résumé les dérives alors observées par des juristes et avocats courageux dans l’article que j’avais rédigé sur ce Blog, en soutien à Ibrahim Maalouf.

Je mets en ligne deux des documentaires que j’ai réalisés.

Le premier « L’ère du soupçon » (diffusé sur France3) raconte l’histoire d’un instituteur, accusé à deux reprises, puis blanchi par la justice. On y découvre l’un des acteurs clés de ces affaires: la rumeur.

Le second « L’ère du soupçon » (diffusé sur France 5) qui s’appuie sur mon livre éponyme, présente plusieurs cas d’enseignants, injustement accusés, mais aussi les travaux réalisés Outre-Atlantique, par des psychologues, qui ont développé des outils permettant aux policiers, gendarmes, et juges, de recueillir dans des conditions non intrusives la parole des enfants. Les études expérimentales qu’ils ont conduites montrent qu’on peut tout faire dire à un enfant avec des questions suggestives, au risque de provoquer des désastres judiciaires comme celui d’Outreau.